par Bruno Grangier, Cabinet d’avocats Leaf, et Sandrine Zerbib, Agence de e-commerce Full Jet
Pour distribuer en ligne en Chine, il faut d’abord bien comprendre l’écosystème dans son ensemble. Un nombre limité de plateformes occupe une place prépondérante sur le marché, mais d’autres acteurs jouent un rôle important dans l’ensemble de la chaîne. On peut résumer le paysage du e-commerce chinois à quatre grands types d’acteurs :
- les plateformes sur lesquelles les produits sont distribués. Tmall et Jingdong (JD.com) représentent à eux seuls 80 % du marché, mais quelques concurrents se font une place croissante, comme Pinduoduo, WeChat ou le site de déstockage VIP ;
- les « TP » sont des intermédiaires entre une marque et une plateforme. Ils gèrent la boutique en ligne, captent le trafic, travaillent sur la conversion en ventes, développent l’interface utilisateur et l’expérience consommateur et enfin gèrent la logistique ;
- il est possible de faire appel à un distributeur local. Dans ce cas, ce dernier achète la marchandise. Il en a la propriété et se charge de vendre au client final ;
- les entreprises de logistique offrent des solutions, qui peuvent varier en fonction du business model.
Ce paysage ouvre le choix à plusieurs modèles de distribution. Il peut y avoir un premier choix de distribution classique, dans lequel une marque délègue à un tiers la distribution en ligne et/ou la distribution physique. La distribution en ligne est constituée de deux catégories : celle de ventes domestiques et celle de ventes transfrontalières, désignées en anglais par le terme « crossborder ».
Les ventes dites domestiques représentent l’écrasante majorité des transactions en ligne, avec 97.8 % du marché. Pour ouvrir un magasin domestique en ligne, il faut s’assurer des éléments suivants :
- détenir une filiale en Chine ou avoir confié la distribution des produits à un distributeur local. La filiale ou le distributeur importe les produits, procède au dédouanement, puis vend au client final, via les plateformes, qui gèrent le « last mile ».
- la marque doit déjà être enregistrée localement auprès de l’office des marques chinois (CTMO).
- avoir les licences nécessaires à l’importation des produits conformément aux règlementations applicables.
Le lancement d’une boutique domestique en ligne se fait entre 3 et 6 mois. Le commerce en ligne dit « crossborder » est marginal, avec seulement 2,2 % du marché. Mais il a été pensé pour les marques internationales et a le mérite d’imposer moins de contraintes règlementaires. L’ouverture d’une boutique sur une plateforme cross-border n’impose ni une filiale en Chine, ni d’enregistrer sa marque en Chine. Les ventes peuvent être gérées directement par une société hors de Chine, les stocks sont considérés par les douanes hors du territoire et les plateformes proposent des solutions logistiques adaptées. Le lancement d’une telle boutique peut prendre entre 6 et 9 semaines.
Une fois ce choix déterminé, l’attention doit être portée sur une série de points précis permettant d’encadrer la relation contractuelle avec le distributeur local.
Quelle structure choisir ?
Il est préférable de définir un cadre contractuel souple, capable d’intégrer les évolutions du marché et de la performance du distributeur. Cela passe par une convention cadre, qui définit la relation entre la marque et le distributeur, et des contrats d’application, qui encadrent les prestations délivrées par le distributeur. Les contrats opérationnels peuvent avoir des durées différentes et évoluer séparément, sans tout remettre en cause.
Faut-il accorder l’exclusivité ?
Elle peut être concédée séparément pour la distribution en ligne et la distribution physique (selon le degré d’expertise du partenaire). Le contrat doit être précis sur ce point. Si l’exclusivité est conférée sur la distribution en ligne, il est également important de distinguer canal domestique et canal « crossborder ».
Faut-il établir un minimum d’achats et de ventes ?
De telles clauses sont recommandées, afin de permettre à la marque de dimensionner sa production ou de sortir de la relation contractuelle en cas de performances insatisfaisantes.
La marque peut-elle décider du prix final ?
La règlementation chinoise interdit d’imposer des prix à son distributeur. Mais il reste possible de définir un ensemble de conditions permettant d’encadrer la fixation du prix.
Comment préserver son image de marque avec un distributeur ?
Il y a toujours un équilibre à trouver entre la préservation de son image de marque et la marge d’autonomie à laisser au distributeur, qui a une meilleure connaissance du marché. La clé d’un contrat de distribution réussi est la coopération sur l’assortiment de produits et le choix des collections. Cela peut être intégré au contrat, avec la mention du respect des délais de livraison, de la qualité du service après vente ou d’un engagement sur les dépenses marketing du distributeur.
Quel accès une marque peut avoir aux données clients ?
La Loi en Chine fixe des contraintes légales au transfert de données personnelles de la Chine vers l’étranger et d’une entité à une autre. Si les plateformes ne transmettent pas les données personnelles des consommateurs, elles créent néanmoins des bases de données accessibles au distributeur pour les besoins logistiques. Si un magasin en ligne est ouvert par le distributeur, ce dernier est le propriétaire de ces données personnelles (téléphone, adresse) Il est recommandé de contractualiser la communication par le distributeur d’un rapport précis permettant d’analyser les performances des ventes et comprendre le consommateur.
Un changement de distributeur peut entrainer la perte d’abonnés (followers) ou de données. Il faut donc encadrer, en cas de résiliation du contrat, le transfert de magasin digital pour éviter la perte de données.
Faut-il fixer des règles de gouvernance dans le contrat ?
La qualité de la relation entre la marque et le distributeur est conditionnée par la capacité à mettre en place des équipes dédiées, à la fois chez le distributeur et au sein de la marque, ainsi qu’à fixer des règles de discussion, des modes de décision et des délais de réponse.
Comment bien gérer la fin du contrat ?
La définition, dans le contrat, d’indicateurs de performance précis est un outil stratégique de contrôle et de gestion, pendant la durée de la relation. Cela peut être également très utile pour mettre un terme à la relation, si les objectifs ne sont pas atteints. Une procédure de revue des objectifs peut être mise en place contractuellement.